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Ils sont quelques dizaines, ce dernier lundi d'août, venus battre le pavé bordelais de la place de la Victoire. La mal nommée, pour eux, tant leur combat semble perdu d'avance; ces coursiers à vélo, «partenaires» de la société de livraison de repas à domicile Deliveroo, incarnent les dérives de «l'uberisation» de la société.

L'enseigne vient de faire passer une directive claire : tous les livreurs seront rémunérés à la course et non plus à l'heure. Jusque-là, les plus anciens, embauchés avant août 2016, étaient payés 7 euros de l'heure, plus de 2 à 4 euros de primes horaires. Désormais, leur salaire s'alignera sur ceux des nouveaux venus. Soit 5 euros la course en province, et 5,75 euros à Paris. «Cela ne concerne que 8 % des 7500 livreurs», assure Deliveroo, qui précise « vouloir homogénéiser l'ensemble des contrats». « L'année dernière, j'ai travaillé entre trois et quatre heures chaque soir, après la fac, pour environ 7 ou 8 courses,explique Marie, 20 ans, qui suit des études de lettres. En tout, je devais bosser 70heures par mois, pour un revenu de 750-800 euros. A ça, il faut enlever l'entretien du vélo, les charges d'auto-entrepreneur... Au final, on s'en sort tout juste.

On ne se plaint pas du système qu'on a accepté en l'intégrant, mais si Deliveroo ne tient pas les promesses faites en matière de minimum horaire... » «La réalité, c'est que l'entreprise baisse les rémunérations et annule les primes sans aucune concertation», déplore Arthur Hay. A 28 ans, ce titulaire d'un master de gestion de projets humanitaires est coursier depuis un an et demi. Mais il ne roule plus pour Deliveroo. Parce qu'il avait pris la tête de la fronde à Bordeaux, point de départ d'un mouvement de grogne qui a ensuite gagné Paris, Nantes et Lyon, il a été écarté en février. Comme tous ceux qui se sont rebellés.

«On cumule tous les inconvénients du salariat - entre autres une "hiérarchie" qui nous traite plus bas que terre - et ceux de l'auto-entreprise, puisqu'on n'a aucune sécurité, qu'on ne cotise pas, qu'on n'a pas le droit au chômage si l'on part... Aujourd'hui, cela nous touche, nous, mais il nefaut pas se tromper, prévient Arthur Hay. Demain d'autres métiers seront confrontés aux mêmes problématiques. Nous sommes le laboratoire des réformes à venir. »

Les VTC hier, les cyclistes aujourd'hui, et «demain les coiffeurs, les guides touristiques, etc. seront confrontés à cette nouvelle forme d'économie», ajoute Grégoire Leclercq, président de la Fédération nationale des auto-entrepreneurs, cofondateur de l'Observatoire de l'uberisation. Pour lui, «c'est incontestable, ce mode de fonctionnement entre une entreprise et ses partenaires va se généraliser. Or ce système est à cheval entre deux modèles qui s'opposent frontalement : celui du salariat et celui de l'indépendance totale». Que se passera-t-il le jour où un livreur victime d'un grave accident du travail se retournera contre la plate-forme dont il dépend ? «Evidemment, le salariat les protégerait complètement, explique Grégoire Leclercq. Mais ces structures n'ont pas la solidité financière pour assumer une requalification » de leurs partenaires cyclistes en salariés. «Elles seraient tuées dans l'instant», prévoit-il. Comment améliorer le système? «Il faudrait que les plates-formes acceptent de contribuer à une série deservices : comités d'entreprise, mutuelle prévoyance, allocation-chômage, etc. répond le cofondateur de l'Observatoire de l'uberisation. Cela a un coût, mais il est maîtrisable, et ça aurait le mérite de mieux protéger les travailleurs tout en les fidélisant. Car malgré tout, la concurrence existe entre lesplates-formes pour attirer les meilleurs. »


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Animé par la Fédération Nationale des auto-entrepreneurs (FNAE), cet observatoire a pour but d'analyser l'ubérisation, d'apporter un constat précis et de proposer des pistes de réflexion autour de la réforme du code du travail, du dialogue social, de l'évolution du Droit, de la protection des travailleurs affiliés aux plateformes...

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