Plateformes, VTC, livreurs : rapport accablant sur le partage de la valeur
Dans le cadre du Conseil des Acteurs des Plateformes de l’ARPE, un groupe de travail a analysé la répartition de la valeur dans les secteurs livraison et VTC. Les travailleurs indépendants (majoritairement micro-entrepreneurs représentés par la Fédération nationale des auto-entrepreneurs) pointent un partage de la valeur particulièrement opaque, inégal. Le groupe de travail propose des pistes d’amélioration concrètes.
Le groupe de travail et ses méthodes
Les objectifs de travail
- décrypter le fonctionnement économique des marchés de la livraison et des VTC ;
- mesurer la création et le partage de la valeur sur une transaction type ;
- formuler des recommandations compatibles avec le statut d’indépendant telles que renforcer la transparence (données, algorithmes) et l’équité de la répartition.
Les méthodes
- analyse des données publiques ARPE (indicateurs 2024–2025) ;
- auditions : plateformes (par exemple Uber), représentants de travailleurs (livreurs, VTC), restaurateurs et administrations (DGE, ARPE).
- étude de cas réels et simulations pour décomposer une course/livraison et déterminer la part des différents acteurs ;
- analyse comparative des secteurs VTC vs livraison (acteurs, tarification, structure de coûts).
Principaux constats économiques
Côté VTC : part chauffeur élevée… mais sous pression
- le chauffeur conserve en moyenne 70 à 80 % du prix payé par le client ;
- depuis 2025, des commissions variables liées à la tarification « dynamique » peuvent monter jusqu’à 45 %, rognant directement le net perçu ;
- baisse du revenu horaire moyen observé sur la période 2021 à 2024 (ex. Uber - 5,2 %, Bolt - 9,9 %, Heetch - 40,4 %).
- les temps non payés (attente, connexion, repositionnement) abaissent le revenu horaire réel, même quand le taux de prise reste élevé. Ainsi, le temps entre les courses a augmenté d’année en année de 150 % chez Uber, 111 % chez Bolt, +87 % chez Heetch.
Côté livraison : la part livreur particulièrement contrainte
Pour obtenir des chiffres comparables avec ceux des VTC, l’étude a écarté la part de l’acteur supplémentaire qu’est le restaurateur.
- la part du livreur est d'environ 30 % en moyenne ;
- le revenu moyen du livreur est de 4,45 € par livraison en 2023 ;
- malgré un minimum horaire brut (2023) à 11,75 €, le pouvoir d’achat du livreur est en baisse (de 2021 à 2024, Uber Eats −34,2 %, Deliveroo −22,7 %).
Un obstacle majeur : l’opacité
Le manque de transparence de la part des plateformes est identifié comme central. Outre son impact sur les conditions de travail des indépendants, il freine les possibilités d’analyse du secteur.
- opacité des algorithmes (tarifs, attribution, ajustements tarifaires…) ;
- opacité des commissions : travailleurs, clients, restaurateurs ne voient pas la décomposition des montants payés ;
- manque d’indicateurs communs et vérifiables pour objectiver le dialogue social et mesurer l’impact des accords dans le temps ;
- les plateformes invoquent confidentialité et non-comparabilité VTC/livraison (de par la présence du restaurateur).
- le groupe de travail se déclare prêt à réviser son analyse si des données complètes et auditables sont partagées.
Les recommandations du groupe de travail
Instaurer une réelle transparence
- rendre visible la répartition d’une transaction entre travailleur / plateforme / restaurateur :
- Si l’affichage par course pose un enjeu concurrentiel, recourir à des moyennes, fourchettes ou publications différées, contrôlées par un tiers (ARPE / instance indépendante).
- Si l’affichage par course pose un enjeu concurrentiel, recourir à des moyennes, fourchettes ou publications différées, contrôlées par un tiers (ARPE / instance indépendante).
- ouvrir des données structurées et auditables à un tiers pour suivre objectivement les effets des accords.
Un tarif de référence négocié (horokilométrique + part fixe)
- fixer chaque année un plancher horokilométrique + un pourcentage fixe de la valeur (sur le modèle des taxis), révisé périodiquement ;
- compter le temps d’attente/connexion et mieux rémunérer les livraisons multiples, pour coller au temps réellement mobilisé.
Rééquilibrer offre/demande sans casser l’indépendance
- agir sur la saturation (c’est-à-dire nombre de travailleurs connectés, de plages d’activité) avec des garde-fous juridiques pour éviter la subordination.
Partager les données
- les données produites par les travailleurs indépendants alimentent la performance des plateformes et sont des ressources essentielles qui doivent être sécurisées et partagées. Explorer une rémunération ou des droits associés, en cohérence avec l’esprit du Data Act.
La FNAE, impliquée auprès des travailleurs de plateformes
90 % des livreurs et chauffeurs VTC démarrent leur activité en micro-entreprise, grâce à la simplicité du régime. Mais les fragilités liées à l’activité des micro-entrepreneurs de plateformes de mobilité doivent être combattues, en particulier par la transparence des conditions de rémunération et de travail, l’accès aux droits sociaux et à la formation.
Ce que porte la FNAE
- transparence totale sur les commissions et l’attribution des courses ;
- reconnaissance des temps morts et des regroupements de commandes ;
- tarif minimum négocié, équitable et mesurable, avec révision régulière ;
- suivi indépendant des indicateurs ;
- sécurisation des parcours (accès à la formation, protection sociale adaptée).