Comment le Sénat envisage de taxer l'ubérisation

Vous êtes ici

Description

Jacques Chiron, sénateur membre de la Commission des finances, explique à l'Express, sous la plume de Raphaële Karayan, comment détecter les revenus qui relèvent de l'activité commerciale, et qui seraient soumis à l'impôt sur le revenu. En clair, plutôt que de se préoccuper de faire mieux correspondre le code du travail aux changements de fonds, le Sénat veut taxer l'ubérisation.

Brocanteurs semi-professionnels sur Le Bon Coin, loueurs d'appartements sur AirBnB, loueurs de voiture sur Drivy, feu chauffeurs UberPop... De plus en plus de particuliers se mettent aux affaires sur les plateformes collaboratives pour arrondir leurs fins de mois, et cela donne des sueurs froides au Trésor Public. En théorie, les revenus issus de ces plateformes de mise en relation sont soumis aux prélèvements sociaux et à l'impôt sur le revenu. Enfin, à condition de les déclarer, ce qui est une pratique rare. Certes, le troc et les petits services ont toujours existé, mais comme dans tous les secteurs développés par Internet, le problème, c'est l'échelle. 

Ainsi, le revenu moyen d'un hôte sur AirBnB serait par exemple de 3600 euros par an, selon un rapport du groupe de travail de la Commission des finances du Sénat sur les modalités de recouvrement de l'impôt sur le revenu. Ce groupe de travail a publié cette semaine des propositions pour adapter le système fiscal français à cette nouvelle économie collaborative. Sa solution: une transmission automatique au fisc, par les plateformes elles-mêmes, des revenus des particuliers. Au-delà d'un total de 5000 euros par an, ils seraient soumis à l'impôt sur le revenu. 

Jacques Chiron, sénateur socialiste de l'Isère et membre de ce groupe de travail, détaille le dispositif envisagé, qui devrait prendre la forme d'amendements à la future loi de finances. 

A quel taux seraient soumis les "revenus de l'économie collaborative"? 

Le taux qui s'applique actuellement -il faut rappeler que ce n'est pas un nouvel impôt, car ces revenus sont déjà censés être déclarés- est celui correspondant à la tranche du contribuable. Nous proposons une deuxième solution, le prélèvement forfaitaire libératoire, à 24%. Par ailleurs, actuellement le seuil de tolérance du fisc, pour les revenus complémentaires des particuliers, s'élève à 2000 euros. Nous proposons de le porter à 5000 euros et d'exonérer les revenus inférieurs. Les plateformes elles-mêmes ont déjà commencé à différencier leurs utilisateurs selon leur niveau de revenu. UberPop, par exemple, basculait ses chauffeurs sur le service professionnel Uber dès qu'ils dépassaient 6000 euros de revenu par an. Cette franchise de 5000 euros correspond à ce que nous considérons être du "partage de frais". Par exemple, il couvre l'entretien d'un véhicule ou d'un appartement. 

Comment seraient déclarés ces revenus sur la feuille d'imposition? Aujourd'hui on peut opter pour la micro-entreprise, ou l'auto-entrepreneuriat par exemple. 

Cela dépend du choix du particulier. Mais, s'il s'agit d'une véritable profession il est conseillé de passer en auto-entrepreneur. 

N'est-ce pas contradictoire d'être imposé sur ces revenus sans bénéficier des cotisations sociales, par exemple? 

Il faut savoir ce qu'on veut. Si on veut un statut, il y a un coût. On ne peut pas avoir le statut sans payer les taxes, et on ne va pas prélever de la CSG sur des petits montants. L'impôt sur ces revenus a une contrepartie, celle de se libérer vis-à-vis de l'Etat, et de ne pas être en infraction. Si on veut vraiment cotiser, il faut passer auto-entrepreneur. De plus, ce seuil de 5000 euros est très intéressant, car d'autres revenus, comme les intérêts de placement, sont soumis aux cotisations dès le premier euro. Tout a été pesé. Il faut garder à l'esprit le principe de concurrence déloyale. Ce que l'on veut, c'est que tout le monde soit à égalité, pas freiner le développement de l'économie collaborative.  

Quels sont les revenus qui seraient exonérés? 

Les ventes de biens d'occasion, lorsqu'ils sont occasionnels -par exemple quand vous vendez votre voiture sur Le Bon Coin ou sureBay- resteraient exonérés. Cela ne concernerait que le commerce et les services. 

Finalement, on devrait plutôt considérer ces plateformes comme des alliées du fisc, pas comme des moyens d'échapper à l'impôt, dans la mesure où elles rendent tous les flux financiers transparents et éliminent le travail au noir... 

Tout à fait. A partir du moment où on taxe le flux, cela devient des alliées. Tant que l'on conserve une égalité de traitement. 


A lire aussi

INSCRIVEZ-VOUS A LA
NEWSLETTER FNAE

Découvrez l'actualité de l'auto entrepreneur par la Fédération Nationale des Auto Entrepreneurs. Et soyez informés des dernières publications et des dates d'événements à venir !

A PROPOS

Animé par la Fédération Nationale des auto-entrepreneurs (FNAE), cet observatoire a pour but d'analyser l'ubérisation, d'apporter un constat précis et de proposer des pistes de réflexion autour de la réforme du code du travail, du dialogue social, de l'évolution du Droit, de la protection des travailleurs affiliés aux plateformes...

INFOS DE CONTACT

Carte du monde Uberisation