Denis Pennel, directeur général de la Confédération mondiale des agences d'intérim

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  • Date de Publication: 14/09/2015
  • Catégories: Les tribunes
  • Secteur(s)) impacté(s):

Description

Denis Pennel est le directeur général du Ciett, la Confédération mondiale des agences d'intérim (Adecco, Randstad, etc.). Auteur de Travailler pour soi. Quel avenir pour le travail à l'heure de la révolution individualiste ? (Seuil, 2013), il vient de publier dans l'ouvrage collectif Sociétal 2015 (Eyrolles) une tribune intitulée "Vers la fin du salariat ?"

Trends-Tendances: Vous estimez que nous avons franchi "le point culminant du salariat". Pourquoi ?

Denis Pennel: Pour trois raisons principales. Tout d'abord, notre modèle basé sur l'économie manufacturière a évolué. L'emploi standardisé sous la forme du salariat répondait à un besoin généré à l'époque par les processus de fabrication de produits standardisés de masse. Ce besoin est désormais dépassé et le CDI est devenu inadapté à la nouvelle réalité économique. Deuxièmement, les technologies contribuent à la dématérialisation du travail, qui change du coup de nature. Si les salariés ne doivent plus être fixés en un même lieu, la relation salariée perd de son intérêt. Enfin, l'une des raisons mêmes du salariat est en train de disparaître. Si le salarié accepte de renoncer à une part de ses libertés, c'est en échange d'une garantie de stabilité et de visibilité sur l'évolution de sa carrière. Or, les carrières ne sont plus ascensionnelles et le salariat ne garantit plus la sécurité de l'emploi. En France, un tiers des CDI sont rompus après un an. Le pacte est brisé.

Qui seront les gagnants et qui seront les perdants dans ce nouveau monde du travail plus individualiste ?

On risque d'assister à une polarisation du marché du travail. Les personnes hautement qualifiées, qui ont une expertise, qui sont souples et ouvertes au changement, s'en sortiront sans problème. Par ailleurs, il y aura toujours une demande pour les personnes faiblement qualifiées, notamment dans les services à la personne, comme les gardiennes d'enfant. Par contre, la catégorie intermédiaire, celle des employés de bureaux qui effectuent des tâches routinières, risque de souffrir, notamment en raison de l'automatisation croissante de certains métiers. C'est le résultat d'un processus d'"uberisation" du marché du travail.

Si c'est "la fin du salariat", quelles seront les conséquences pour notre modèle fiscal, essentiellement basé sur les cotisations des travailleurs et des employeurs ?

Tout le modèle social bâti sur le salariat est en train de s'effondrer. La sécurité sociale est condamnée si on ne la réforme pas. La solution n'est pas d'aller vers un modèle anglo-saxon, mais notre système ne doit plus être basé exclusivement sur la relation avec l'employeur. Il faut instaurer un système de droits portables, liés à l'individu, et dépendant du travail effectué, que ce soit sous forme salariée ou indépendante. Il faudra aussi, probablement, augmenter la fiscalité directe (TVA) et taxer davantage les indépendants.


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